La Villa Adriana et les ordures romaines
Philippe Ridet
Le Monde 3/11/20111
Son nom rappelle quelque chose. Et pour cause, il descend en ligne quasi directe d'Urbain VIII qui régna sur l'Eglise catholique de 1623 à 1644. Il appartient à une des familles les plus titrées d'Italie. Des places, des fontaines, des palais, portent son nom. Son patronyme (en entier) est une leçon d'histoire et d'alliances : Urbano Riario Sforza Barberini Colonna di Sciarra. Il est prince. Il est aussi acteur de théâtre et de cinéma. Et il est très en colère. Depuis que la région du Lazio a décidé la fermeture, fin décembre 2010, de la décharge d'ordures de Malagrotta, la plus grande d'Europe, où se déversent tous les déchets non recyclables de la capitale italienne (et du Vatican), le prince Barberini, âgé de 50 ans, est en guerre. Avec sa collègue, l'actrice et animatrice de télévision, Franca Valeri, de 41 ans son ainée, il s'oppose à l'ouverture d'un nouveau site d'enfouissement de 180 hectares à trois kilomètres de la limite du site archéologique de la Villa Adriana à Tivoli. Un préfet nommé par le gouvernement en a décidé ainsi, il y a quelques semaines et la présidente de la région, Renata Polverini, ne l'a pas découragé. Ensemble, le prince acteur et son amie ont pétitionné, écrit au maire de Rome, aux ministres de la culture, de l'écologie et de l'agriculture, au président de la République, acheté une page dans les cinq plus grands quotidiens italiens pour dénoncer ce choix. Pour l'instant, en vain. Un syndicat d'agriculteurs s'est joint à leur cause ainsi que tout ce que la région compte d'hôteliers et de loueurs de chambres d'hôtes. Un recours au tribunal administratif est dépose. «C'est comme si l'Egypte enfouissait ses déchets au pied des pyramides », explique Urbano Barberini, visiblement ravi de sa formule. « C'est pire qu'un crime, c'est une faute », reprend un de ses amis citant Joseph Fouché après l'assassinat du duc d'Enghien. Construite entre 118 et 138, par l'empereur Hadrien, la Villa Adriana est probablement un des sites antiques les plus poétiques qui se puisse voir. Nichée dans les collines de la campagne romaine, elle manifeste d'un art de vivre et d'une culture dont Marguerite Yourcenar a rendu compte dans ses Mémoires d'Hadrien (1951). Qu'un effluve de poubelle vienne les survoler et c'est toute la magie du lieu qui s'en trouverait ruiné. «Au point de vue archéologique, insiste le prince, la Villa Adriana est le centre de l’Empire romain. »
Quand les ruches trembleront
Mais Urbano Barberini a une autre raison de s'opposer au projet. Il possède dans les parages une propriété sur laquelle il produit notamment un oriel réputé. Que deviendront ses abeilles (présentes sur le blason de la famille Barberini) quand les ruches trembleront au passage quotidien de centaines de bennes à ordures Le prince ne souhaite pas faire de son combat la caricature de l'héritier noble et titre qui ne voudrait pas voir son coin de paradis envahi par les déchets de la plèbe. «Pas la peine d'insister sur mes titres », recommande-t-il. Il reste quelques semaines à «l'indigné» de Tivoli pour déjouer le projet de la région.